Attrappe moi, si tu t'en sens capable | PV Elluviel |

L'épée pèse trop lourd. Tu veux bien la ramener sans l'abîmer ? Je te l'accrocherai à la patte. Oui, bien sûr. J'arrive tout de suite. Et n'oublie de prendre des graines de sésames, au cas où Prim voudrait faire du pain. Oui, j'y penserai, merci.
Le dragon la survolait. Ses pas la dirigeait vers les ruines de l'ancien palais, là où le prince Aymeric avait grandi, là où Leyllit était né et là où poussait les plus beaux spécimens de plantes et d'épices. C'était là-bas que sa chère mère allait se fournir, là où tout était gratuit et d'excellente qualité. Les dryades entretenaient le terrain lorsqu'il le fallait et soit Prim soit Elluviel allait quérir toutes les épices dont la servante au château avait besoin. La reine aimait les quelques petites plantes qui donnaient un goût intéressant à ces mets délicieux. Elluviel faisait exprès d'en prendre plus, comme ça sa propre famille en profitait. La tâche la dérangeait, elle aurait aimé faire autre chose que de partir loin de chez elle. Trop de rencontres en très peu de temps. Depuis qu'elle avait fait connaissance avec le prince de Thildraigh, sa vie sociale s'était développée en seulement quelques semaines. L'habituelle solitaire endurcie avait dû s'ouvrir, car même Prim lui paraissait plus conciliante.
Le ciel se dégagea enfin après plusieurs minutes de marches. Le dragon qui volait très lentement à son plus grand daim se posa sur la colline qui les séparait des ruines de Thildraigh. Tu veux que je t'y dépose ? Pourquoi pas ? Merci ! Ça m'évitera de marcher pour peu de choses. Tu viendras me chercher ? Tu n'auras qu'à m'appeler. Merci. Il baissa sa queue et elle grimpa sur son dos rugueux et glissant. Elle n'avait pas vraiment l'habitude. Elle évitait le plus possible de monter sur son dos. Elle glissait la plupart du temps et finissait le reste des voyages entre les pattes du dragon. Elle noua ses bras autour de son long cou et le dragon battit des ailes. C'était beaucoup moins agréable qu'un cheval, mais ça, elle le savait. Les ailes qui battaient sur les côtés manquaient de la faire tomber et le vent dans ses yeux l'empêchait de les ouvrir tellement le dragon allait vite. En quelques secondes, ils atteignirent les ruines. Il trouva un gros bloc de pierre en équilibre sur lequel il pourrait la déposer. Elle descendit par la queue, comme elle était montée. Elle dénoua la ceinture qui retenait son épée et la noua sur la patte avant de son dragon. Il verrait ainsi si elle manquait de tomber et pourrait la rattraper. Elle s'en retourna vers ce qui restait du château.
La végétation avait tout envahi. Jusqu'aux moindres petits espaces. Là où jadis les fêtes se déroulaient, il ne restaient que de simples colonnes écroulées ou des morceaux de verre couverts de moisissures. Il devait être immense, car même de là où elle se trouvait, son bloc surplombant les ruines, elle ne voyait pas le bout de ce paysage désolé. Elle ne sentait pas de présence magique. Aucune dryade ou fée ne se trouvait là pour le moment. Elles aussi allait faire cueillette ici. Tout le monde savait que ces farceuses pouvaient aussi devenir de puissantes alliées pour quiconque saurait s'en faire des amies. Elluviel n'en avait pas envie. Elle n'aimait pas qu'on se moque d'elle, même pour la bonne cause.

Elle s'approcha du bosquet qu'elle préférait. De la menthe, quelque fois du jasmin pour quelques tisanes près du feu. Elle avait apporté une sacoche, qui pendait nonchalamment sur son épaule gauche. Remplie, elle aurait compensé le poids de son épée, mais l'aurait aussi considérablement alourdie. Marcher aurait été encore plus pénible, surtout si Leyllit n'avait pas été là, pris à discuter avec Crannack. Ils restaient très souvent ensemble, si bien qu'ils l'agaçaient.
Elle sentit quelque chose. Comme une douce odeur dans l'air. De la menthe forte, quelques fleurs et une odeur de pain tout juste sorti du four. Une perception magique. Elle les reconnaissait, même si ces dernières n'étaient jamais sous la même forme. Il lui était impossible de savoir d'où l'odeur provenait, mais elle était douce, agréable, comme une drogue. Une dryade. On lui racontait souvent qu'elles étaient douces, belles, discrètes dans le seul élément qui les intéressait : la Terre. Elle leur faisait aveuglément confiance, même si cette présence l'intriguait. La dryade n'était pas loin. Peut être à une dizaine de mètres, perdue dans la végétation dense comme celle de la forêt. Elluviel continua sa cueillette, trouvant quelques graines au passage. Pas assez pour faire un gâteau, mais peut être en trouverait-elle plus plus loin. Elle s'approcha de la lisière qui protégeait l'image de la dryade. Elle décida de ne pas prendre son arc. Seule sa discrétion et son intelligence compterait. Elle devait être rapide, et réussir à coincer une dryade. Elle observa le sol et les branches les plus basses qui pourraient la faire repérer. Le sol était jonché de feuilles et de fruits pourris tombés. Si elle ne faisait pas attention, ses pieds feraient une cacophonie insupportable, tel un seul troupeau d'éléphants. Les branches les plus basses lui arrivaient au visage, voir au torse, mais pas plus bas. Les racines des arbres dépassaient de la terre.
Elle s'élança dans la forêt. Dès les premiers pas, elle sût qu'elle était repérée. Le crissement de ses bottes sur les feuilles était impressionnants. Bien que discret, elle savait que l'harmonie entre les dryades et la nature lui porterait malheur. Tant pis. Elle s'élança à travers bois et déboucha sur une petite clairière où la mousse faisait comme un immense tapis.