"Are you my guardian angel ?" || Allana

Quoi de mieux pour se détendre que de partir à la chasse? Oui parce que pour Delwyn, tuer détendait. Cela faisait de nombreuses années qu‘il chassait, depuis qu’il savait se servir d’une arme, je vous laisse deviner quel âge ça lui faisait … une dizaine d’années, peut-être moins, il avait d’abord apprit à manier la lance se souvint-il, puis ce fut au tour des lames blanches et enfin, de l’arbalète. Celle-ci était bien plus pratique que l’arc, d’ailleurs en y songeant, c’était bien la seule arme qu’il maîtrisait le moins et avec laquelle il accumulait le plus d’échecs.. Ainsi lorsqu’il observait sa cousine, Riwarnen, il ne pouvait que l’admirer devant tant de précision et de grâce dans chacun de ses gestes, elle frisait l’excellence et était selon lui la meilleure archère de Thildraigh! Tout ça pour finalement revenir sur le fait que.. Delwyn partait chasser cet après-midi là. Il n’était guère plus de treize heures, mais il n’avait prévenu personne de sa petite sortie, pas même son serviteur qui de toutes les façons était occupé ailleurs, il ne se rendrait sûrement pas compte de l’absence de son prince, pensait-il. Ce n’était pas la première fois qu’il partait chasser seul, mais depuis quelques mois, Gareth avait toujours été présent et même s’il appréciait sa compagnie, il ne l’aidait jamais beaucoup durant ces moments-là: parlant à tout bout de champs, marchant sur des feuilles mortes ou des brindilles sèches, agitant ses bras partout, bref il tenait rarement en place … et aujourd’hui, Delwyn voulait avoir l’esprit tranquille. Il avait besoin d’un peu d’intimité, de se retrouver seul quelques heures pour réfléchir. Alors oui, en quoi chasser aidait à réfléchir me direz-vous? Ne vous prenez pas la tête pour si peu, il venait en fait se balader et en profiterait pour s’offrir une petite partie de chasse. Aussi n’était-il vêtu que d’une chemise en lin de couleur bleu et d’une veste en cuir, ce n’était pas comme si chasser le lièvre allait lui être fatal.. Il soupira. Car il n’y avait pas que des lièvres dans cette forêt et d’ailleurs, il espérait bien qu’il ne croiserait pas que ces inoffensives bêtes! Quelle gloire y trouverait-il? De plus il avait apporté son arbalète et à sa ceinture était accrochée une dague, car non il n’avait pas jugé utile de prendre son épée. Cela lui aurait fait du poids pour rien, s’était-il dit. Et puis, que pouvait-il lui arriver de si grave? Non, définitivement, il n’aurait pas besoin de son épée. Ce fut en songeant une dernière fois à ce détail qu’il disparut derrière les arbres, s’aventurant hors du chemin principal et s’enfonçant dans la forêt, insouciant et enthousiaste, il souriait à pleine dent lorsque ses souvenirs d’enfance le submergèrent. Cette impression de liberté, il ne l’avait pas ressentie depuis nombre d’années.

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Une demi-heure s’était écoulé depuis sa petite escapade, le jeune prince n’avait jusque là fait aucune rencontre. Et par rencontre, j’entends celle du gibier, mais celui-ci était d’humeur boudeuse aujourd’hui, car il ne vit pas l’ombre d’un chat de tout le trajet. Enfin plutôt d’un lièvre ici, des chats on en trouvait plutôt dans les rues de Thildraigh et puisqu’il y pensait, il aimait bien ces petits animaux. Il les trouvait affectueux, malins et surtout indépendant. C'était bien l'un des seuls animaux à qui il ne ferait aucun mal. Chasser était pour la bonne cause, tuer un chat serait inutile et surtout meurtrier, Delwyn n'était pas comme ça. … Une racine dépassait de la terre, puis une seconde, et Delwyn trébucha par deux fois en s’emmêlant les pieds dans chacune d’elle, ayant même été à deux doigts de saluer le sol. Alors qu’il pestait contre son manque d’attention et pourquoi pas même, sur ces pauvres racines qui n’y étaient pour rien, il ne remarqua la silhouette qui s’approchait de lui dans son dos. Il sentit néanmoins quelques secousses légères et presque inaudibles, régulières… comme si l’on se déplaçait… il ne bougea pas d’un millimètre et ne fit que relever les yeux. Il n’y avait absolument personne et il était au milieu de nulle part, qui plus était. Il jeta un œil à droite puis à gauche et crut un instant qu’il avait déliré, avec ce soleil et cette chaleur, c’était fort probable. Ce fut alors que, soudainement, le soleil disparut. Ou du moins, il ne le sentait plus taper contre sa nuque et ses épaules. Il n’y avait eu aucun signe d’un futur orage … mais au pire, il irait se réfugier dans cette grotte là-bas, même si elle n’avait pas l’air très accueillante.. puis lorsqu’il entendit grogner derrière lui, il comprit d’où lui était venu ce mauvais pressentiment. Mais aussi la raison de la soudaine disparition du soleil, alors qu’à quelques pas de là, il éclairait encore le feuillage des arbres. Il eut tout juste le temps de se retourner et de poser les yeux sur cet immense … ours, avant que ce dernier, dressé sur ses pattes arrières, n’esquisse un geste offensif qui -il devait l’avouer- ne le laisserait pas sans séquelles. Un ours avait beaucoup de force et avec ses griffes acérées, le résultat n’en était que plus efficace. Pour sûr, si Delwyn recevait ce coup de griffe, il ne payerait pas cher de sa peau.. Oh certes, il avait de très bons réflexes, malheureusement il avait réagi bien trop tard. Il avait moins d’une seconde pour s’écarter et.. c’était infaisable. Aussi tenta-t-il un mouvement de recul, fixant ces griffes de ses yeux à présents ronds comme des soucoupes. Et en une demi seconde, ce fut sa vie qu’il vit défiler, l’image de la bête lui passant bien au-dessus. Allait-il disparaître de cette façon? Aussi stupidement? Au dernier instant, il ferma les yeux. Tout était allé si vite ...

« Are you my guardian angel ? »
Quand des imbeciles peuvent devenir rois
Ne perd pas ton temps
Ou c'est le temps qui te perdras

« Les sentiers de la noblesse mènent toujours plus haut que les chemins de l'égocentrisme. » Totalement d'accord. C'est d'ailleurs pour ça que je ne suis plus considérée comme "noble". Pas uniquement je vous l'accorde, mais tout de même, je suis rarement du genre à m'apitoyer sur le sort des autres plutôt que sur le mien. C'est bien simple, dans ma vie il n'y a que moi. Je ne l'ai toujours bien vécu, mais Il y a toujours eu une petite voix qui me rappelle ma vie passée auprès de ma famille que j'aimais tant. C'est ainsi que j'ai décidé de consacrer une partie de mon temps personnel pour ceux qui descendaient des miens, en l'occurrence mon fils, les enfants de mon fils, ses petits enfants & tous ceux qui suivirent lors de ces sept-cents dernières années. C'est dire ô combien de personnes j'ai dut protéger, surveiller, conseiller grâce à mon don de persuasion, voire même sauver lorsqu'il était nécessaire. Cela peut paraître fou venant d'une personne aussi exécrable que moi, mais derrière ma nature vampirique se cache Allana Yddreigh, fille d'Armalyne & Lothaire du Royaume de Thildraigh. La princesse ayant disparu étrangement juste avant son frère, dont on a parfois l'impression d'apercevoir le fantôme sur les ruines de son ancien château.

Or quand je surveille mes descendants, je les suis partout où ils vont, leur empêchant les pires choses. & ce jour-là, mon regard s'arrêta sur Delwyn Flammen, le neveu de la femme de mon arrière arrière arrière -et j'en passe- petit fils. Nous n'avons aucun lien du sang, mais il reste tout de même un genre de cousin éloigné.
Je l'avais donc vu passer les portes du château, armé d'une simple dague & d'une arbalète. J'en déduisis qu'il devait aller à la chasse, dans la forêt juxtaposant les terre royales. J'avais entendu dire qu'il était un excellent, & je ne m'inquiéta pas énormément pour lui. C'est pour cela que je ne le suivis que d'un regard indiscret, & sûrement ce qui fut ma plus grosse erreur. Car pas moins d'une heure après que je me sois éloignée, j'entendis un grondement à vous faire froid dans le dos. Selon mon expérience, c'était un ours, & pas n'importe lequel ... Un ours affamé & en colère. Craignant le pire, je courus à travers les arbres, heureuse de m'être habillée en tenue d'homme & non avec l'une de mes robes de trois-cent livres -façon de parler.

Je n'entendais presque plus de bruit, lorsqu'une odeur me frappa de plein fouet. Une odeur tentante, enivrante & dangereuse. L'odeur du sang. J'en frissonnai tellement ma gorge me brûlait. Je secouai la tête pour me faire sortir l'image de la gorge de ma victime entre mes crocs & continuai à filer dans la forêt. J'arrivai enfin devant la scène suivante : l'ours debout sur ses deux pattes arrières, la gueule grande ouverte pour gronder à nouveau, & mon cousin -appelons un chat un chat- couché par terre, encore conscient, mais l'épaule & le le bras totalement ouverts. J'avais reconnu l'odeur de son sang car celle d'un animal est de loin aussi exaltante que celle de l'homme.
J'émis moi aussi un grondement féroce, tandis que ma peau se craquelait autour de mes yeux & que mes canines s'allongeaient pour dépasser de ma lèvre supérieure. J'étais sûre d'une chose : j'allais faire la peau à cet ours. Par contre, je ne me savais pas capable de résister à l'appel du sang. C'était tellement irrésistible ... & puis je mourrais de faim.

Je sautai sur le dos de l'ours, m'agrippant à sa fourrure, & lui plantai mes dents dans sa nuque. J'étais totalement dégoûtée. Il puait le fauve & franchement, j'avais connu mieux comme nourriture. Je tentai de lui briser les os en enserrant mes bras autour de sa cage thoracique, mais il était beaucoup trop gros. Saleté ... Je le projetai contre un arbre, espérant que cela l'assommerait, mais en vain. Cette bête était plutôt coriace. Il ne me restait plus qu'une solution que j'aurais d'ailleurs préféré éviter. J'étais ennuyée de devoir montrer ma vraie nature devant un membre de ma famille, mais je n'avais plus le choix. Je bondis à nouveau sur lui, le plaquant du mieux que je pouvais au sol, & lui planta mes crocs dans ce qui me semblait être son cou. Je m'entrepris alors à boire, boire & boire, jusqu'à ce que la bête ne sois plus secoué par les soubresauts qui le prenaient alors que son coeur commençait à ralentir. Le goût était vraiment détestable, j'avais l'impression de boire du ciment. Quand ma tâche fut faite, j'essuyai ma bouche du bord de ma manche, avant de me retourner vers Delwyn. Je m'attendais à ce qu'il aie pointé son arbalète vers mon coeur, mais il n'avait pas bougé. Sûrement parce qu'il avait déjà perdu beaucoup de sang, mais je supposai qu'il était aussi sous le choc. Il n'avait sûrement encore jamais vu de vampire en pleine action, & je me doute bien que cela doit faire plutôt peur.

« Comment allez-vous ? »

Je trouvais plus prudent de le vouvoyer étant donné que c'était la première fois que je lui adressais la parole.

Il ne sentit aucune douleur malgré la férocité du coup, les yeux clos, il se sentit seulement vaciller avant d’avoir cette impression étrange, comme si le sol était immatériel.. Il se trouvait en position semi assise, semi allongée, prenant naturellement appui sur son bras droit qui était le seul valide. L’espace de trois à cinq secondes il fut privé de ses sens jusqu’à même la vue, alors qu’il rouvrait les yeux, tout ce qu’il y vit n’était qu’obscurité. Et puis lentement ses sens lui furent rendus, il entendait un faible rugissement, comme s’il était lointain …puis peu à peu il détecta une odeur, celle de la terre mêlée à autre chose.. mais il se souvint qu’il se trouvait en pleine forêt. Sa vision s’éclaircit alors et un feuillage vert apparut devant ses yeux, ceux-ci étaient levés vers le ciel et il les baissa aussitôt. Tandis qu’il regardait son agresseur se débattre contre quelque chose, qu’il n’identifia pas immédiatement, il sentit la dureté du sol sous lui et une étrange sensation sur son bras gauche. D’un regard, il déglutit à la simple vision du sang et ne s’inquiéta réellement que lorsqu’il vit la quantité de ce dernier. Il ne voyait pas la plaie tant elle avait été recouverte par ce liquide rougeâtre qui s’était frayé un chemin jusqu’à sa main.. Oui, il pouvait le sentir ruisseler le long de ses doigts avant de retomber sur la terre en de banales gouttelettes. Et même si à présent il sentait pleinement la douleur, il ne se plaignit pas, la supportant en silence car après tout, il n’en était pas à sa première blessure de guerre. Bien que là, il n’y avait aucune gloire à en tirer. Se faire ainsi surprendre par un ours … en parlant de lui, pourquoi ne l’avait-il pas encore achevé? Une secousse et un craquement bruyant attirèrent son attention et il vit l’animal qui se relevait alors qu’il avait semblé être projeté contre cet arbre imposant … Qui, quel était l’autre animal qui pouvait lui tenir tête ? Qui l’avait sauvé à temps d’une mort certaine ? Ses yeux balayèrent le terrain lorsqu’il les posa sur … elle ? Était-il seulement bien éveillé ? Pourquoi diable voyait-il la silhouette d’une femme là où il s’attendait presque à voir un animal tout aussi poilu et féroce que cet ours ! Il n’eut pas le temps de la détailler davantage cela dit, car la voilà qui se jetait sur son adversaire sans la moindre crainte.. Mais ce qu’il vit ensuite lui glaça le sang, la jeune femme avait littéralement renversé l’animal et planté ses dents dans ce qui semblait être, sa chair. Elle n’était pas complètement dos à lui, alors il pouvait presque tout voir. Seigneur, que quelqu’un le réveille ! Était-il tombé sur une sorte de sauvage affamée et en furie ?! Puis ne pouvant détacher son regard de la scène qui se déroulait devant lui, il finit par remarquer son œil, enfin ses yeux. Il y avait quelque chose dans ses yeux, ce n’était pas normal.. Et puis elle portait un ensemble plutôt raffiné pour une sauvage.. Qui était-ce ? Ou plutôt, qu’était-ce ? La réponse lui fut donnée lorsqu'elle retira ses crocs, oui crocs, de sa proie désormais victime.. et il comprit alors devant quel genre de créature il se trouvait. Un vampire. Impossible ! Il se serait bien agrippé les cheveux s’il avait pu, mais il n’esquissa aucun geste, pas même vers son arbalète qui pourtant était à sa portée. Il resta immobile, comme figé, à l’observer avec une intensité sans nom, bien trop confus pour dire quoique ce soit. Il ne put cependant pas détourner ses yeux d’elle, de sa chevelure cuivrée et ondulée, de sa peau si pâle et ..de son regard à présent redevenu normal. Il était calme, anormalement calme d’ailleurs.

« Comment allez-vous ? »

Instantanément, ses doigts se crispèrent et ses ongles se plantèrent légèrement dans la terre tandis qu’il plissait les yeux, méfiant et pas qu’un peu. Il aurait pensé être le prochain, étant donné ce que l’on racontait sur les vampires. Les légendes disaient qu’ils se nourrissaient du sang. Delwyn empestait le sang ! Mais elle devait s’être rassasiée.. supposa-t-il. Il cligna des yeux avant de la détailler encore une fois. Si douce avait été sa voix, si mignonne paraissait-elle, mais tout cela n’était que tromperie.. Elle faisait partie d’une race cruelle et répugnante, dans ce cas pourquoi l’avait-elle sauvé ? Il put lire une sincérité désarmante sur son visage, ce qui le déstabilisa un peu, s’inquiétait-elle vraiment pour lui ?

« Qui.. » commença-t-il sur un ton presque effrayé, mais il se reprit rapidement, prenant un peu plus d’assurance. « Qui êtes vous ? »

Il n’avait toujours pas bougé lorsqu’il reprit subitement la parole, se voulant ironique voire sarcastique, bien que la situation ne le permettait pas vraiment..

« Je suis carrément en train de me vider à cause d’une satanée bestiole et le pire, c’est que je viens d'être sauvé par un vampire. Celui même qui vient de détruire toutes mes convictions..! Oh mais cela mis à part, je vais très bien ! »

Et s’il était trop faible et qu’il n’arrivait pas à se montrer agressif et convaincant, il n’en restait pas moins que la méfiance était toujours présente. Il devait seulement être pathétique et il le savait. Elle l’avait sauvé.. et alors ? Il avait été blessé quand même et si cela se trouvait, il perdrait trop de sang et s’éteindrait lui aussi, même si cela prenait des heures ! Il doutait que la miss soit une génie en médecine et il doutait même qu’elle prenne la peine d’essayer. Son visage exprimait clairement toute sa colère et sa frustration dû à, dans un premier temps, un échec personnel de n’avoir pas su gérer la situation lui-même, puis dans un second temps … l’arrivée de ce vampire. Il n’y croyait toujours pas d’ailleurs, considérant la demoiselle d’un regard incrédule, c’était presque s’il avait espéré que ce ne soit qu'un mauvais rêve. Or, il s’agissait bien là de la réalité. Mais alors qu’il fixait encore et toujours la brune, un éclair de douleur le traversa et le crispa quelque peu. Et tandis que, machinalement, il appuya sa main droite sur son bras gauche, le fait d’avoir été en contact direct avec la plaie béante lui arracha une plainte audible. Se pinçant immédiatement les lèvres pour éviter de nouveaux gémissements, il considéra sa blessure avec une certaine lassitude.. il soupira et fut même prit d’un rire nerveux face à son état plutôt critique. Il se demandait, à cet instant, comment il pourrait bien s’en sortir cette fois. Son regard se perdit à l’horizon alors qu’il ne faisait plus trop attention à la présence du vampire.